Mis à jour le 10 février 2022 • Écrit par Infocession

Témoignage cession d'entreprise :
Grandir avec le soutien de fonds d'investissement

Grégory Declercq

Cofondateur du Groupe Finoli
Grégory Declercq - Groupe Finoli
Secteur d'activité :
Services & Biens de consommation
Chiffre d'affaires à la cession :
40 M€
Année de l'opération :
2019

C’est sur les bancs de la promotion HEC-Entrepreneurs 2008 que Grégory fait la rencontre de Pierre Juhen, avec qui il partage une farouche volonté d’entreprendre. Portés par cette association dynamique, c’est tout naturellement qu’ils cofondent le groupe Finoli en 2013. Ce dernier est aujourd’hui présent dans les secteurs de la cosmétique, de l’esthétique, de la coiffure et de l’éducation au travers du groupe Eureka Education. Tout au long de leur parcours, Gregory et Pierre se sont entourés de fonds d’investissement pour financer leurs nombreuses acquisitions, plus de 30 en sept ans, et structurer leur stratégie de développement. 

D’une petite société de 2M€ de chiffre d’affaires à un gros groupe de sociétés en phase d’internationalisation, Grégory relate pour nous les différentes étapes du développement du groupe Finoli, et décrit le rôle joué par les fonds d’investissement dans cette épopée entrepreneuriale.

Quelles ont été les différentes étapes de l’évolution du groupe Finoli ? 

A ses débuts, le groupe Finoli était spécialisé uniquement dans les produits cosmétiques. En 2013, encore analyste en private equity, une amie d’HEC a fait appel à moi afin de conseiller sa mère, Silvya Terrade, âgée de 62 ans à l’époque, dans le but de vendre son groupe d’écoles d’Esthétique et de Coiffure. C’est alors qu’a germé l’idée de devenir le repreneur de ce groupe, avec comme intention première de fournir un appui et de la visibilité à notre marque de cosmétique, et par la suite de diversifier notre activité et notre cœur de métier. Le timing coïncidait parfaitement, j’ai tout de suite sauté sur l’occasion. Une fois l’exclusivité accordée par Madame Terrade, il nous a fallu partir à la recherche d’un financement. 

Nous nous sommes tournés en premier lieu vers des fonds dits « TEPA », qui investissent des tickets de 1 à 6 millions d’euros, qui ont des exigences de rentabilité assez faibles et un appétit pour le risque assez élevé.

C’est à ce moment-là que nous avons trouvé notre premier partenaire financier, Entrepreneurs Venture, qui nous a suivi sur trois tours de financements successifs et avec qui s’est nouée une relation de grande confiance. Alors que nous ne voulions racheter qu’une école, ils nous ont imposé comme condition de nous lancer dans une stratégie de build-up (rachat de sociétés dans le même secteur d’activité), inculquant dès lors une dynamique entrepreneuriale aujourd’hui partie intégrante de l’ADN du groupe Finoli. S’en est suivie une nouvelle phase de financement aux côtés d’un partenaire plus important, Apax Développement. Il s’agissait-là d’un cycle de consolidation : mise en place de reporting, de systèmes d’audit, financiers… Autant d’exigences sans lesquelles nous n’aurions jamais pu évoluer du statut de petite boîte à celui de belle PME. Enfin, nous avons fait appel quelques années plus tard à Abénex Capital, cette fois pour permettre le financement de nouvelles acquisitions. 

Pour résumer, notre premier fonds nous a inculqué le sens du projet, le second nous a permis de nous structurer, et le dernier nous a permis de nous diversifier.

Quelle différence notable y a-t-il entre une opération de LBO et une opération de build-up ? 

Dans ma vie d’entrepreneur, j’ai rencontré trois cas de LBO. C’est à chaque fois un processus très long et très lourd, avec beaucoup d’audits préalables, de structurations du financement, beaucoup d’intervenants et d’investisseurs potentiels.

Sur des opérations de build-up, c’est beaucoup plus simple : on repère une cible, très souvent par le biais de syndicats patronaux, et on discute avec son dirigeant.

La suite se déroule tout naturellement puisqu’arrivé à un certain âge, tout dirigeant est confronté à la question de la transmission de son entreprise. Si le feeling est bon et le positionnement intéressant, vous réalisez un audit, vous payez le prix et dans certains cas le dirigeant vous accompagne deux ou trois ans avant de prendre définitivement sa retraite. C’est aussi simple que ça. 

A quel type de financements faites-vous appel pour soutenir cette stratégie d’acquisitions ? 

Je ne fais appel qu’à des fonds unitranches (forme de financement combinant divers types d’emprunts garantis et non garantis en un seul et même prêt), jamais à de la dette bancaire. C’est un choix clair et personnel décidé avec Pierre pour préserver les cash-flows et augmenter la flexibilité des financements. Concrètement, si vous avez un projet d’acquisition ou de capital-développement, vous le structurez selon un format prédéfini avant d’appeler des unitrancheurs. Si vous cochez toutes les cases, un auditeur établi un rapport et les fonds sont virés.

C’est très simple et très favorable en termes de cash-flow puisque vous ne payez que les intérêts et non le principal, surtout pour soutenir une stratégie d’hyper croissance comme la nôtre.

En revanche, si vous faites appel à du financement bancaire, il vous faut monter un dossier de crédit qui fait l’objet de plusieurs étages de décisions selon les montants. La documentation doit également être renégociée à chaque demande de financement, ce qui complique un peu les choses. Le pendant de cette complexité, c’est que la dette bancaire est beaucoup moins chère que l’unitranche. En ce qui nous concerne, nous avons fait le choix de privilégier la délivrabilité sur le coût. 

Concrètement, qu’est ce qui change au quotidien lorsqu’on intègre un fonds au capital de son entreprise ? 

Pas grand-chose à vrai dire, c’est comme un mariage sauf que c’est temporaire. Vous vous engagez avec des gens de confiance, vous faites en sorte d’apprendre à vous connaître en amont, de définir à l’avance quels sont les droits et les obligations de chacun, et tout se passe très bien ! Si vous leur inspirez confiance, que vous mettez de l’énergie dans le projet, et que vous êtes transparents, il n’y a aucun problème. En revanche si vous mentez, c’est fini !

C’est également un vrai soutien au quotidien.

Certains fonds mettent en place leur propre hotline téléphonique ou boîte mail avec une équipe à disposition, que vous pouvez contacter à tout moment pour aborder n’importe quelle problématique ou sujet spécifique. C’est une relation de partage et d’échange. 

Les exigences en matière de reportings peuvent en revanche représenter un bémol. Même si elles varient selon les fonds et doivent être discutées au préalable, elles peuvent s’avérer assez contraignantes. Vous êtes obligés de vous structurer de façon à pouvoir répondre aux besoins des fonds, d’expliquer des choses qui ne vous semble ni essentielles, ni génératrices de valeur. Vous devez présenter des documents lisibles et homogènes faisant état d’informations cohérentes à une fréquence définie… C’est très chronophage. 

Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant qui envisagerait de faire appel à un fonds d’investissement pour soutenir son développement ? 

Avant toute chose, il est essentiel de mettre plusieurs fonds en concurrence. Pour les départager, c’est très simple : vous prenez votre téléphone, identifiez 2 ou 3 dirigeants avec qui ils ont travaillé et vous les appelez ! Je l’ai fait systématiquement, afin d’obtenir un retour d’expérience personnel sur les fonds. Non seulement sur leur qualité mais aussi sur les personnes qui les composent, et cette dimension humaine est primordiale. 

Enfin, au sein du fonds, le plus important est d’avoir une tutelle qui ait du leadership en interne.

Quelqu’un capable de prendre des décisions sans avoir à en référer à 50 personnes. Autrement, on n’avance pas, on peut se mettre d’accord sur des choses sur lesquelles on revient le lendemain. Choisissez-donc un interlocuteur doté d’un fort pouvoir décisionnel. 

Dans votre cas, quel a été l’apport des différents fonds avec lesquels vous avez travaillé ? 

On était une toute petite boîte, et on est devenus une PME de 80 millions de chiffre d’affaires. Cette croissance, nous n’aurions jamais pu la financer sans le soutien de fonds d’investissement.

Il faut accepter d’avoir une plus petite part de quelque chose de beaucoup plus gros.

Conceptuellement ça vous aide, ça vous fait progresser. Ce que beaucoup de personnes voient comme faire entrer le loup dans la bergerie, cela est tout à fait gérable de manière contractuelle avec des contreparties saines et équilibrées. Vous ne vendez pas votre âme lorsque vous faites entrer un fonds. Au contraire, vous gardez le contrôle de votre société tout en bénéficiant d’un soutien permanent et de moyens extraordinaires. Je le ferai et le referai plein de fois. 


CONSEILS CLÉS

  • Mettre plusieurs fonds en concurrence

  • Se renseigner auprès de dirigeants ayant travaillé avec les fonds identifiés avant de les départager

  • Choisir un interlocuteur doté d'un fort pouvoir décisionnel au sein du fonds

  • Bien définir le champ d'intervention et les prérogatives de chacun au préalable