Publié le 07 septembre 2025 • Écrit par Infocession

Témoignage cession d'entreprise :
Réussir une fusion et se financer sans se diluer

Jean-Sébastien Leleu, Jonathan Dahan, Bryann Mahé

Fondateurs
Jean-Sébastien Leleu, Jonathan Dahan, Bryann Mahé - E-PICTURE & SIMCO-ORFEOR
Secteur d'activité :
Internet & e-commerce
Chiffre d'affaires à la cession :
8 €
Année de l'opération :
2024

E-PICTURE (fondé par Jean-Sébastien Leleu) et SIMCO-ORFEOR (fondé par Jonathan Dahan et Bryann Mahé), sociétés éditrices de logiciels complémentaires à destination des collectivités, ont décidé de se rapprocher en 2024 au service d'une vision commune : simplifier le service public. Fait rare dans le métier, Intuitu Partners a été à la fois conseil des cédants sur les aspects transactionnels, et conseil de l’acquéreur dans sa recherche de financement. Le nouveau groupe ainsi créé appartient à 75% à l’acquéreur et 25% aux cédants. Parmi les éléments précieux, vous trouverez leur méthode pour rester en contact direct tout au long de l’opération, la gestion du process en réactivité dans un contexte de marché complexe, en pleine crise de la French Tech, ou encore la réussite d’un financement sans dilution.

Présentez-vous en quelques phrases

Jean-Sébastien : j’ai 42 ans, je suis marié et j’ai deux enfants, je vis à Sceaux dans le 92.

J’ai vécu mon enfance dans la région angevine, puis j’ai fait mes études à Lille et Paris.

J’ai passé 10 ans en tant que salarié autour du service public ou parapublic sur des postes de marketing et de commercial, avant de me lancer dans l’entrepreneuriat.

Jonathan : j’ai un parcours classique, avec l’obtention d’un master 2 en finance publique à Paris 1, puis un passage à l’école de commerce ESCP Europe, après lesquels je me suis retrouvé au Ministère de l’Intérieur,

Bryann : un parcours classique de mon côté aussi, avec une première expérience au Ministère de l’Intérieur, là où j’ai rencontré Jonathan. On y a travaillé ensemble pendant 3 ans.

Quel a été le déclencheur de votre aventure entrepreneuriale ?

Jean-Sébastien : Au bout de 10 ans de travail avec la fonction publique, j’ai eu l’opportunité de me lancer sur la reprise d’entreprise. Pour cela, j’ai suivi un parcours classique : formation au CRA, étude d’une dizaine de dossiers, puis l’opportunité s’est présentée de me positionner sur le rachat d’Epicture.

C’était une petite entreprise qui comptait 5 salariés et 800 000 € de chiffre d’affaires quand je l’ai rachetée. On a vécu une belle croissance avec les équipes, et on a pu rembourser le LBO en 5 ans au lieu de 7 ans.

Cela nous a permis de racheter une seconde entreprise, Réseau des communes, et toute cette croissance nous a permis de passer de 5 à 25 salariés en 9 ans.

C’est dans cette période que j’ai rencontré les dirigeants de SIMCO et Orfeor.

Jonathan : c’est parti d’une volonté d’entreprendre pour ma part, qui a résonné avec un moment où Bryann et moi avions tous les deux la sensation d’avoir fait le tour du Ministère de l’Intérieur.

Bryann : oui, je l'ai vu comme une opportunité de sortir de ce quotidien. On a donc décidé tous les deux de ne pas renouveler le CDD qu’on nous proposait, et on s’est lancé en 2014 dans la création de SIMCO. On a ensuite réalisé l’acquisition d’une entreprise, Orfeor, en 2022.

Jonathan : cette opération d’acquisition ne paraissait pas insurmontable, nous étions en autofinancement et avions la confiance des banques. Mais nous avons quand même eu notre lot de complexités, car le cédant partait en retraite mais, comme parfois, il ne souhaitait pas vraiment céder. Son entreprise avait 30 ans d’existence, la moyenne d’âge des salariés était plus élevée que ce que nous avions l’habitude de manager. Malgré tout, on est restés optimistes et avons réalisé une très belle opération, qui nous a permis de créer notre groupe avec SIMCO et Orfeor.

Et l’élément déclencheur de cette fusion ?

Jean-Sébastien : j’ai racheté Réseau des communes en 2019, et au vu de l’activité, j’avais compris qu’on allait finir de rembourser entre 2023 et 2025, et que j’allais donc assurément relancer une opération de croissance externe, car c’était ma vision du développement pour le groupe. C’était aussi un moment opportun, avec le service public qui passait en mode Saas, et notre vision de couvrir tous les besoins d’une administration, quelle qu’elle soit (préfecture, petite commune, service d’Etat…). Cela se fait par deux moyens : le développement d’outils en interne, et la croissance externe, qui permet d’aller plus vite et d’arriver sur un marché déjà testé.

La croissance externe faisait donc déjà intégralement partie de ma stratégie de développement.

Jonathan : ça faisait 10 ans qu’on avait créé SIMCO, on a ressenti à un moment le besoin de sécuriser une partie de notre patrimoine, rendre tout ce travail concret. En effet, on gagnait bien notre vie mais on ne se versait pas de dividendes, on a eu envie de récolter le fruit de notre travail.

Bryann : on s’était déjà adossés à un acteur de l’écosystème au 1er trimestre 2015, qui détenait un tiers du capital. C’était Finance active, qui a eu un rôle de mentor pour nous, et qui est sorti en 2022. Ça a joué aussi, car on s’est d’un coup sentis moins challengés, et plus seuls.

Vous étiez donc tous les trois dans une démarche similaire. Comment vous êtes-vous lancés, qui a fait le premier pas ?

Jean-Sébastien : Dès 2020, j’étais en veille sur le marché, et j’ai eu dans ce cadre l’opportunité d’investir dans une startup, le Parapheur. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Bryann et Jonathan. Le deal ne s’est pas fait, mais cette opportunité nous a permis de nous rencontrer, et de rapidement nous rendre compte de nos valeurs communes, de trajectoires similaires et de challenges communs entre les services et l’édition de logiciel pour nos deux groupes de deux entreprises. Le groupe SIMCO et Orfeor faisait plus de croissance que le groupe Epicture et Réseau des Communes, mais ce dernier faisait plus de rentabilité.

Dans la poursuite de nos complémentarités, nos expertises étaient clairement différentes. Le groupe Epicture avait une vraie valeur ajoutée sur le marketing produit et l’expérience client, et SIMCO/ORFEOR en termes de commercial et de conseil.

Du coup, à l’époque déjà, on avait décidé de rester en contact et de se faire des points semestriels. Pour tout dire, c’était très facile puisque nos bureaux étaient à 500 mètres l’un de l’autre !

On a même créé une association ensemble, Public-tech, et on étudiait parfois des dossiers de croissance externe en commun.

Ce qu’on s’était dit à ce moment-là, c’est qu’on augmentait chacun de 5 000 000 € d’ARR, puis qu’on se reparlait pour une fusion potentielle à ⅓ chacun.

Jonathan : En fait, avant d’avancer avec Jean-Sébastien, nous avons eu une offre en 2023 pour laquelle les négociations ont continué jusqu’à l’été. Pour tout vous dire, les discussions étaient devenues très difficiles, ça se tendait rapidement, peu importe l’importance du sujet, et la confiance avait fini par être rompue, au point où nous ne sommes pas allés au bout…

On a ensuite discuté avec Jean-Sébastien lors de l’un de nos points, et les discussions étaient très simples. On se connaissait déjà, et surtout la confiance était là, tout était fluide, en plus du fait qu’on avait déjà évoqué la possibilité d’une fusion plusieurs années auparavant.

Jean-Sébastien : oui, c’est lors de l’un de nos points semestriels en 2023 que Jonathan et Bryann m’ont partagé leur volonté de faire un cash out, et m’ont ainsi proposé d’entrer au capital de SIMCO et Orfeor.

D’ailleurs, le clin d'œil supplémentaire est qu’ils se faisaient déjà accompagner par Simon d’Intuitu Partners sans que je le sache, alors que je connaissais moi-même très bien l’un de ses associés, à qui j’avais pensé pour m’accompagner dans cette opération.

C’est donc tout naturellement qu’Intuitu Partners est devenu notre partenaire de confiance pour réussir la fusion !

Vous aviez donc tous une première expérience d’acquisition. Pour autant, vous sentiez vous en maîtrise de l’exercice ?

Bryann : dès le 1er round en 2023, nous sommes allés voir Intuitu Partners pour être épaulés et professionnaliser la démarche.

Jonathan : lors de notre première acquisition, le cédant n’était pas accompagné, et nous avons assisté à toutes les erreurs corrélées à ça. En tant que cédants dans cette opération, ça nous a donc semblé essentiel d’être accompagnés.

Jean-Sébastien : oui j’ai eu besoin d’être accompagné car le plan stratégique était plus inhabituel pour moi, et c’était la première fois que je devais avoir des taux variables, des ratios à suivre en dehors du fait de rembourser l’emprunt.

La structuration du deal était plus complexe et en dehors de ma zone de compétence, donc pour moi aussi c’était essentiel d’être accompagné.

Comment vous sentiez-vous pendant cette période ? Y a-t-il eu des moments charnières ?

Jean-Sébastien : nous n’avions pas évoqué le cash out avant ce point semestriel de 2023. Après la surprise, j’ai ressenti beaucoup d’excitation !

Je me souviens du premier rendez-vous fin août 2023 dans un bar à cocktail près de leurs bureaux, pour esquisser ce à quoi pourrait ressembler l’opération. Ensuite, nos conseils ont été mobilisés et tout a été intense jusqu’à l’obtention du premier financement, car c’était bien ça le point épineux du deal, puisque niveau humain et modalités, tout roulait. Courant janvier 2024, j’avais obtenu 90% des financements uniquement par les banques, ça a été un vrai moment de joie et de stress mélangé. D’un côté quasi plus rien ne bloquait, et en même temps cela voulait dire que désormais, on ne pouvait plus se planter !

Et puis c’était une structuration complexe avec un doublement de taille de l'entreprise, qui entrainait évidemment des peurs, des joies et des moments de questionnement : Est-ce que je dois partager mon capital tout de suite ? Jusqu’où j’accepte de partager la valeur future ? Quel minimum accepteront-ils pour rester dans l’aventure ? Autant de questions dont les réponses nécessitaient de s’appuyer sur des experts.

D’ailleurs, des personnes de mon entourage me trouvaient éparpillé à ce moment-là, alors que je suis d’un naturel stable émotionnellement. J’avais donc décidé de prendre un coach pour m’accompagner dans la gestion émotionnelle de l’opération.

Jonathan : je ne recense pas de moment charnière, mais l’explication est très simple : nous avions un point hebdomadaire avec Jean-Sébastien, qui permettait d’évacuer toutes les questions business, en parallèle du travail des conseils sur les questions transactionnelles.

Jean-Sébastien : oui on avait mis ça en place dès la signature de la LOI, c’est un canal de communication qui a toujours très bien fonctionné.

Jonathan : Oui et pour le ressenti, on était plutôt sereins, car on avait vécu un échec l’été précédent, avec une opération qui avait failli aller au bout et qui avait capoté. Ça nous avait fait relativiser, prendre du recul.

Et puis nous avons toujours eu le même objectif, il y a une grande confiance et loyauté entre nous, renforcée par la transparence de tous.

D’ailleurs, on travaille en ce moment sur un nouveau projet d’acquisition, et on a mis en place la même règle de 30 minutes hebdomadaires avec le cédant.

Qu’est-ce que vous avez particulièrement apprécié dans cette aventure ?

Jean-Sébastien : Mes deux premières entreprises fonctionnent séparément, là je sentais bien qu’en allant dans cette opération, on allait sur une véritable fusion.

On cherchait de la fertilisation croisée, avec de l’optimisation en termes de process et de méthode.

D’ailleurs plus on avançait, plus on se disait que c’était une évidence. J’ai apprécié nos échanges très honnêtes, notre capacité à être sérieux sans se prendre au sérieux, le fait de mettre les fonctionnaires comme les salariés en avant. On avait les mêmes valeurs !

Jonathan : Oui on a senti que c’était réellement un deal gagnant-gagnant.

Bryann : Et puis c’était tellement en contraste avec ce qu’on avait vécu juste avant, beaucoup plus fluide.

Même l’avocate de Jean-Sébastien était sympa !

Jean-Sébastien : oui, d’ailleurs j’aime bien la citation de l’acteur-réalisateur Alexandre Astier qui dit “je ne veux plus travailler avec des connards” en parlant de ses équipes et de ses producteurs et technicien, et qu’il se demande s’il pourrait aller déjeuner avec chaque membre de l’équipe avant de l’embaucher.

Et bien c’est la sensation que j’ai eue et que j’ai toujours, c’est un plaisir à chaque fois.

Quels sont les obstacles auxquels vous vous attendiez ? Et ceux auxquels vous ne vous attendiez pas ?

Jonathan : celui auquel on s’attendait, forcément c’était le financement.

Celui qu’on n’avait pas anticipé peut-être, c’est celui qu’on vit en ce moment en PMI (Post Manager Integration), notamment sur les différences de culture d’entreprise. Une fusion implique que toutes ces personnes, qui avaient leurs manières de collaborer, doivent apprendre à travailler ensemble pour un objectif commun, c’est un défi plus qu’un obstacle.

Bryann : oui j’ai trouvé le processus assez fluide, c’est vraiment juste le sujet des financements. Et au final, le seul vrai sujet de débat a été de se mettre d’accord sur le calcul de l’ARR, que nos deux groupes interprétaient différemment.

Quelles ont été les qualités nécessaires pour réussir à aller au bout de cette opération ?

Jean-Sébastien : je n’aime pas me mettre en avant, mais je pense que l’une des qualités qui m’a été précieuse a été la stabilité émotionnelle.

On peut faire plusieurs acquisitions dans une vie, mais on ne cède qu’une fois son entreprise, donc je pense que c’est à l’acquéreur d’être particulièrement stable, l’enjeu émotionnel étant surtout du côté des cédants. Je dois dire que j’ai aussi reconnu cette qualité chez Jonathan et Bryann.

Et je pense qu’il faut aussi être humble en termes de compétences : ce n’est pas parce que j’ai réussi l’acquisition de Réseau des Communes, que je suis capable de mener la fusion de deux groupes de 3,5 millions d’euros chacun.

Dans la même logique, ce n’est pas parce que je gère bien mon entreprise de 25 personnes que je serai bon dans la gestion d’un groupe de 60 personnes venant de deux entreprises différentes.

Enfin, je dirais qu’il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre.

Bryann : je parlerais avant tout de transparence et de loyauté.

Jonathan : et aussi de la capacité à rebondir, car on sortait d’une opération avortée, et il fallait pourtant tourner la page et se remettre en selle.

Une anecdote à partager ?

Jonathan : le jour de la signature, Jean-Sébastien nous a confié que la veille, la banque avait finalement refusé une partie du financement, et que cela remettait en cause le signing. Il ne nous avait pas tenu au courant pour ne pas nous angoisser. Il avait au final trouvé la solution et tout s’était réglé. J’avais beaucoup aimé qu'il ne nous le dise pas, c’est un vrai dirigeant.

Bryann : comme quoi, rien n’est jamais fait

Un conseil pour un dirigeant qui se trouve à l’aube d’une telle démarche ?

Jean-Sébastien : Ne cherchez pas la bonne affaire, c’est comme l’immobilier, les bons biens se vendent au bon prix.

Bryann : prendre une banque d’affaires et un bon avocat.

Jonathan : oui, cela crée une certaine distance. Lorsque l’on a construit une société, on est convaincu de son immense valeur. Il est donc essentiel d’avoir un entourage professionnel capable de rendre cette vision concrète tout en offrant un accompagnement humain.

Bryann : oui c’est primordial, il y a tellement de sujets qui peuvent créer des tensions qui s’apaisent rapidement avec un intermédiaire.

Justement, pour finir, qu'avez-vous particulièrement apprécié avec l’accompagnement d’Intuitu Partners ?

Jean-Sébastien : tout part des valeurs. J’ai rencontré Nicolas Evin, associé chez Intuitu, dans le cadre du CJD, et on a vite découvert que nous avions des valeurs communes, dans le monde professionnel mais aussi sur le plan personnel. Nous nous sommes d’ailleurs aperçus que nous avions une histoire commune qui remonte aux grands-parents, qui étaient confrères dans le monde agricole, à moins de 30 kms de distance!

Sur le plan purement professionnel, ce qui m’a fait choisir Intuitu, c’est leur positionnement assumé sur les PME, qui n’est pas courant dans les banques d’affaires.

Ensuite dans le processus, j’ai apprécié leur honnêteté et le fait qu’ils se sont placés tout de suite en protecteurs de l’intérêt du deal, et non de l’une ou l’autre des parties. Parfois, cela les amenait à être dans la protection de l’une ou l’autre, mais toujours dans un objectif que tous sortent gagnants, et en toute transparence. Ça a rendu l’opération vraiment confortable.

Jonathan : j’ai beaucoup apprécié le sang froid de Simon Houari, associé qui nous a accompagné dans cette opération. Il était présent pour nous rassurer à chaque questionnement. Lors des réunions, même sur des sujets épineux il réussissait à conserver son calme.

Bryann : ils étaient compétents, on n’aurait clairement pas pu faire le deal sans leur intervention.